Un moine, un Liturge

Le secrétaire regardait l'officier de santé des pieds à la tête tout en feuilletant le carnet de rendez-vous de son supérieur. Il avait des ordres, personne ne devait déranger le Grand Liturge, tout le monde devait prendre rendez-vous. Mais il faut dire que le calendrier du Grand Sage était digne d'un emploi du temps de ministre.

Mais l'homme avait de la chance, le Liturge d'Ederlezi en personne était présent, ici même, à quelques pas. Quand il réalisa qu'on parlait de lui, il tendit l'oreille et comprit qu'on le demandait, afin de discuter de l'unité sacrée. Il s'agissait de sujet le plus important pour tout le clergé Lumanévrien, aussi, ce fut tout naturellement qu'il décida de se présenter lui-même.

Il s'avançait maintenant vers le bureau de l'accueille et tout en posant la main sur l'épaule de son secrétaire afin de lui faire comprendre qu'il prenait les choses en mains, il s'adressait à son visiteur. Sa voix était claire et ses phrases concises, il repoussait ses lunettes tout en parlant :

- Et bien mon cher, vous voulez me parler de choses graves à en croire ce que j'ai entendu de votre conversation avec mon secrétaire. Bien, suivez-moi, nous allons passer dans mon bureau, à l'abri des oreilles indiscrètes.

Une fois dans le bureau, Trevor Ozmonic s'agenouilla.

- C'est un grand honneur pour moi, Monseigneur. Permettez moi de me présenter. Je suis le frère Trevor Ozmonic, je gère en votre nom l'hospice de la franche-charité, dans les faubourgs.

Il se releva, mais garda la tète baissée.

Nous avons quelques petits problèmes. Nos médicaments étaient fournis par la corporation Novronev, mais depuis que la ville est aux mains de l'impérialTeam... mais je ne suis pas venu pour me plaindre.

Nous devons nous positionner dans ce conflit, monseigneur. Il serait dans notre intérêt d'être du coté des gagnants.

Le clergé de Cassiel a fait une réunion de chapitre et il en est sortit que dans l'absolu, ils ne seraient pas contre un retour de l'empire... de plus, celui-ci est de plus en plus puissant. Mais j'ai des relations avec le liturge, et je sais qu'il traite abondamment avec la corporation Novronev, une corporation très puissante si il en est, et qui, parait il, prépare un nouveau coup... de plus, vous avez certainement entendu ces rumeurs sur le retour de Rayan...

Mais il est vrai que l'empire possède la ville et qu'il serait intéressant de se le concilier si il prend le pouvoir. et donc de l'aider;

Mais il serait également utile de se concilier le mouvement populaire qui, parti de la capitale, a plus de chances, finalement. Dans ce cas, il nous serait utile d'être une épine dans le pied de l'empire.

Faites votre choix, monseigneur, je crains que vous n'en aillez pas d'autre. car il faudra soutenir le futur vainqueur, quel qu'il soit afin d'assurer la continuité de l'unité sacrée, qui sans cela, ne sera plus que des paroles en l'air. Faites le bon, choix, liturge, je vous en conjure. Il en va de l'avenir de la nation unifiée des sains peuples. déjà que le sain peuple Toldène n'est plus dans notre sainte alliance, alors il ne faudrait pas que la situation empire...

Le Liturge d'Ederlezi avait laissé parler Trevor sans broncher, en réfléchissant à propos de choses et d'autres. Il avait écouté avec sagesse, et surtout analysé tout ce que son subalterne lui confiait. Il avait bien compris ce que demandait l'officier de santé, mais il ne se prêterait pas à ce petit jeu. Le grand homme n'avait pas été nommé premier disciple du Très Grand Sage pour rien.
Il rumina quelques instants les paroles de Trevor ainsi que ses propres pensées dans un murmure imperceptible. Puis il releva la tête et s'adressa à son interlocuteur en le fixant constamment. Sa voix était douce, mais il avait l'air sûr de lui.

- Mon fils, si Ederlezi n'intervient en politique, c'est uniquement pour éclairant la lanterne des décideurs, par son savoir infini. Aussi, avant de m'exprimer sur la crise politique actuelle, j'attendrais que le Haut Liturge me consulte. Et alors même, l'objectivité sera le maître mot de mes propos. Mon avis personnel n'interfère en rien dans les affaires de raison.

Je comprends bien que dans votre esprit, la politique gouvernementale et votre action entant que responsable de l'hospice de la franche charité soient liées. Mais en réalité je vous le dis, il n'en est rien. Les disciples du Grand Sage ont toujours exercé leur charge, et ceux quel que soit le type de gouvernement au pouvoir, voir même, son absence.

Aussi, bien avant la CN, nous distribuions déjà des soins aux assistés. Et nous continuerons après elle. Certes, jusqu'à présent, nous nous reposions sur eux, mais il est temps que cela cesse. Aussi j'ordonnerais au surintendant de notre Monastère la relance de la production de nos propres médicamenteux, comme cela s'effectuait auparavant.

En ce qui concerne votre histoire de choix quant à un camp politique, il n'est de camp que celui de la probité pour tout savant qui se respecte. Il est du devoir de chaque érudit de participer à l'amélioration de la vie de chacun sur cet astre, sans distinction aucune. Aussi longtemps que je vivrais, les médecins d'Ederlezi soigneront tous ceux qui se présentent à eux avec la même attention et le même dévouement.

Les seuls choix que la science doit faire, les seuls dilemmes qui s'opposent à un savant dans ses travaux, sont des problèmes d'éthiques et de probité. Nullement de politique et d'alliances. Ederlezi intervient dans le maintient de l'union sacrée de délivrant à la juste mesure son savoir immense. De plus, il n'est pas de votre ressort de me questionner sur cet avis.

Ainsi le Liturge avait parlé. Il était resté très impartiale, ne laissant apparaitre aucun penchant pour l'un ou l'autre des gouvernements. Il affirmait même que la politique n'entrait pas en ligne de compte de son chapitre. En réalité, il savait très bien qu'il en était tout autrement. Tout comme il avait son avis personnel et bien tranché sur les deux types de gouvernent. Mais il se gardait bien de le garder pour lui. Après tout, son avis personnel n'avait aucune valeur, seul l'intérêt du chapitre et de l'union sacré devait le guider dans ses actions.

Je comprend monseigneur. En vous entendant, j'ai compris que les émotions et la crainte m'avaient éloignées de la raison. Encore merci d'avoir su tourner mes yeux vers la flamme de la sagesse, eux qui airaient dans le noir.
Je vous prie d'excuser mon impertinence, monseigneur. Soyez assuré que cela ne se reproduira plus.

Il s'inclina et sortit a reculons. Juste au moment de sortir, il prononça la phrase rituelle.

-Ederlezi protège les faibles et inspire les sages. Grâce lui soit rendue, pour les siècles des siècles.