Quand la foudre rencontre le patriarche...

Soma était là dans son gigantesque bureau qu'il ne quittait pratiquement jamais. La vieillesse peut être était-elle à l'origine de son comportement. Et pourtant il n'en ressentait pas les effets. Son corps était toujours jeune, beau et puissant, capable de prouesse dont lui même n'avais jamais eu idée.

Alice en le mordant avait voulu lui faire un cadeau, le cadeau d'une vie presque éternel, la fontaine de jouvence personnifiée, mais en étais-ce réellement un? Vivre la nuit, avoir constamment cette faim qui le taraudait à la moindre seconde, vivre seul tout ce temps, sans elle… C'était sa vie aujourd'hui et ça n'avait rien d'un roman lyrique.

Tout son temps libre, il l'avait passé à étudier, que ce soit la musique ou bien l'histoire du pays, il était devenu érudit comme de nombreux vampires de son âge.
Heureusement que la guilde était là pour l'occuper. C'était un peu l'édifice qu'il avait bâti de lui même… Les voleurs aimaient leur chefs et il le leur rendait bien. C'était peut être cela qui avait donné une âme à la guilde, le fait de la commander avec passion. Il était loin le temps du conseil complètement pourri et ce n'était pas dommage.

Le vampire n'eut même pas le temps de se remettre à sa lecture que sa secrétaire rentra précipitamment dans son bureau, comme apeurée.

- Patriarche, annonça-t-elle, l'aspirante Espionne Elizabeth Kewell vient au rapport, je la fais patienter ou je vous l'envoie?

Soma reposa son livre en soupirant, sa fille adorait toujours terroriser ses secrétaires…

- Faites la donc rentrer.

La secrétaire partit quelques instants et revint avec la jeune femme, puis referma la porte derrière elle.

- Bonjour père, se contenta de dire Lux froidement.

Soma fut abasourdie par l'aspect de la jeune femme. Il ne l'avait pas revu depuis au moins cinq ans et pourtant elle ressemblait de plus en plus à la voleuse d'âme, c'en était flagrant. Ses yeux bordeaux en forme d'amande, ses lisses cheveux blonds, son regard froid un peu dément. La même attitude, la même démarche gracieuse, la même hargne... Elle avait beau se camoufler derrière une frange maladroite ou même une longue natte, ainsi que des vêtements féminins, cela ne faisait aucun doute, c'était son portrait craché.
La jeune femme avait remarqué le regard insistant du vampire posé sur elle.

- Je lui ressemble c'est ça? demanda-t-elle résignée.

- Tu ne lui ressemble pas, tu es sa copie conforme, marmonna le patriarche qui se forçait à détourner le regard évitant ses yeux qu'ils connaissait si bien.

Même en se forçant à être une autre, elle ne pouvait rien y faire, elle ne pouvait fuir sa nature propre...Lux se détestait, elle n'était qu'un fardeau qui blessait son père, celui qui l'avait sauvé d'une mort certaine. Elle lui devait tout, son éducation, sa place…

- Je suis désolée, je ne suis qu'une fardeau pour vous père… Pardonnez-moi.

- Ne dis pas de bêtises, tu es ma fille Elizabeth, même si tu étais un fardeau je te porterai quand même et tu le sais très bien.

- Finalement, je suis un peu comme la fille qui ne cesse de vous rappeler sa mère… Ce n'est pas vraiment mieux…

Il la faisait souffrir et s'en voulait lui aussi, elle ne méritait pas de se sentir coupable à ce point, on ne choisit pas d'où l'on vient. Néanmoins elle avait raison, c'était un peu la fille de Kallen qu'il élevait seul.

- J'ai entendu parler de tes prouesses à Cazialstava… lança-t-il afin de changer de sujet.

- A ce propos, pourquoi m'avoir fait revenir ici!! J'allais m'occuper personnellement de ces connards de Eberhard et vous, vous me rappelez sans même que je puisse avoir le choix! Et en plus, vous avez menacer de prendre ma voiture en Otage!

- Justement Elizabeth, j'ai bien plus intéressant pour toi ici qu'à Cazialstava! De toute façon tu ne discutes pas! Tu sais, je te connais assez pour savoir tous tes points faibles...

- Enfaite tout ce que vous voulez c'est m'avoir sous la main, histoire que je ne risque pas trop ma vie! Un peu comme si j'étais une poupée de porcelaine que l'on admire mais que l'on laisse dans une vitrine! Mais contrairement à ce que prétendent les traits de mon visage je suis loin d'être une gamine fragile.

Le pauvre Soma après 5 années de séparation en avait oublié à quel point elle était montée sur ressort.

- Écoute Elizabeth, je ne doute pas de ta force, mais je préfère te savoir ici, un point c'est tout! Et si ça peut te calmer, tu vas quand même passer Sous maitre!

La jeune femme se dérida pendant un instant. La promotion en effet était agréable. Finis les travaux ingrats, ce serait elle qui commanderait les aspirants…En plus d'une augmentation de salaire non négligeable. Elle préféra se taire, elle retournerait de toute façon à Cazialstava même dans plusieurs années, histoire de s'occuper des Eberhard de ses propres mains…

- Ah, j'allais oublier père, je vais avoir besoin d'une certaine somme d'argent… Pour disons...ma voiture…

- Tu sais à quel point je déteste la nouvelle technologie… maugréa le patriarche dubitatif.

- Oui mais là c'est très très important, si je ne le fais pas, je ne pourrais jamais participer aux courses du Colisée!

Cette fois-ci le sang de Soma ne fit qu'un tour.

- Mais enfin Elizabeth, il est hors de question que tu fasses des courses au Colisée enfin!! Est-ce que tu te rends compte du danger de la chose!!? On se demande qu'est-ce tu as dans le crâne!

- De toute façon, je suis majeure je fais ce que je veux, et vous n'avez rien à dire!! Si vous ne me donnez pas l'argent je le volerais c'est comme vous voulez!

Soma n'eut même pas le temps de répondre que sa fille en furie venait de partir en courant en claquant la porte. Non vraiment, c'était Kallen tout craché…
Elle se calmerait de toute façon, puis reviendrait pour lui redemander l'argent, il la connaissait par coeur.
Le vampire, enfin tranquille put reprendre sa lecture jusqu'au prochain rendez-vous.

Le vampire faisait les cent pas dans son bureau.
Son colis n'arrivait toujours pas. Il espérait que rien ne lui était arrivé, étant donné que le colis en question était une haute personnalité Volkonène.
C'était bien le patriarche en personne qui avait émit l'idée de le faire muter ici même à Kapen Lagen. Suite à un appel du goupil de Saransk qui voulait l'envoyer loin, Soma s'était immédiatement saisit de l'affaire et était bien décidé à avoir ce jeune et fougueux vampire à ses ordres.

Les membres de la guilde de Lagen était pour la plupart humain, et les voleurs aux canines longues se comptaient sur les doigts de la main. Il voulait que ses hommes apprennent à vivre avec les suceurs de sang, et surtout il avait besoin d'une telle puissance pour mener à bien son plan.
Le loup rouge du Ieltsinegrad était ce qu'il fallait: une force brute sans aucune compassion.

Il comptait former une nouvelle équipe, une sorte de section à qui il donnerait un travail très spécialisé et les pions arrivaient un à un paisiblement mais sûrement.

Le bruit soudain de la porte qui claque ramena soudain le patriarche à la réalité.
Une grande vampire aux cheveux violet fit son entrée, elle se posta devant Soma et effectua le salut du voleur.

- Au rapport, Patriarche, annonça-t-elle froidement.

- Tiens donc Kaya, où étais-tu? Tu as loupé ma fille de peu, j'aurais aimé te la présenter. Elle peut paraitre un peu mal aimable au premiers abords, mais dans le fond, c'est une fille agréable.

Kaya Malininski était la garde du corps de Soma. Une vampire de la noblesse volkonène qui avait préféré s'éloigner de sa famille un instant, la plupart des jeunes vampires avaient tendance à quitter le foyer jeunes pour vivre leurs expériences, puis pour revenir accomplir leur devoir vers la centaine. Elle paraissait tout frêle pas plus épaisse qu'une brindille et pourtant elle était l'une des voleuses les dangereuses. Enfin elle ne faisait peur qu'aux jeunes, cela allait de soi.

- A propos de fille agréable, si vous saviez à quel point j'en ai marre de l'administration, il m'ont collé une gamine comme colocataire. Le genre insupportable!

- Je suis désolée Kaya, je ne suis pas responsable des dégâts du fonctionnement de répartition de la guilde, tu vois ça avec eux directement… La place commence à manquer ici et tu le sais.

La grande vampire soupira tout en insultant les fonctionnaires de la guilde intérieurement.

- Vous vous déplacerez aujourd'hui? demanda-t-elle finalement.

- Non, j'aurais simplement rendez-vous dans l'Hôtel avec du monde de l'extérieur mais rien qui requiert une protection renforcée, néanmoins, je vous veux derrière moi à tout instant, on ne sait jamais qui peut avoir de mauvaises intentions, vous ne pensez pas?

- Vous avez raison, approuva Kaya en ajustant les sangles de ses portes-couteaux.

Soma se retourna en entendant les bruits métalliques provoqués par les lames entrechoquées.

- Dites moi Kaya, avez-vous vraiment besoin de cette tout cet attirail? Je veux parler de toutes vos armes blanches…

- C'est nécessaire patriarche. Je suis une sous maitre Voleuse, les armes à feu ne sont pas ma spécialité et de toute façon, il n'y a rien de mieux pour tuer qu'un vif coup de lame bien placée.

Soma préféra ne pas réagir à sa dernière réponse. Parfois il comprenait pourquoi les jeunes voleurs avaient peur d'elle, elle avait un côté terrifiant lorsqu'elle parlait d'armes. Enfin, elle n'avait pas hérité de sa réputation pour rien.
Le vampire reprit alors son travail, étroitement surveillé par son garde du corps debout derrière lui.

Asch attendait devant l'entrée du bureau du patriarche. La secrétaire sortit du bureau et lui demanda gentiment d'entrer , son rendez vous pouvait commencer.

Le beau vampire passa alors devant la jeune femme qui lui fit les yeux doux devant un si bel étalon. Lui n'y prêta même pas attention. Mais que croyaient toutes ces humaines? Au pire, il saurait où trouver son déjeuner, cela n'allait pas être très compliqué apparemment, vu le succès qu'il avait avec les voleuses.

Il entra dans le bureau du patriarche. Ce dernier se leva un sourire aux lèvres. Ils étaient seuls dans la gigantesque pièce mettant Asch mal à l'aise.

- Enfin, Loup du Ieltsingrad je te rencontre! Ce fut difficile de t'amener ici mais finalement tu es arrivée à bon port. Je dois dire que je compte beaucoup sur tes qualités dans le future. Enfin je n'ai pas le droit de t'en dire plus pour le moment.

Asch était un vampire bien élevé, dans les traditions vampiriques, aussi se contenta-t-il de répondre poliment. Ce vampire Soma Kewell était pourtant dérangeant à ses yeux. Il ne savait pas ce qui clochait mais il y avait quelque chose en lui d'étrange. Impossible pourtant d'expliquer quoique ce soit. Appelons ça simple intuitions vampirique.

- Je vous remercie de tant de sollicitude, patriarche. Mais ma réputation est peut être trop gonflée par les vampires, vous savez…

- Et en plus tu es modeste… Allez jeune vampire, j'espère que les quelques mauvaises heures que tu as passé à Lagen ne t'auront pas dégouté totalement de la ville. Il y deux cent ans, elle n'était pas comme ça, mais tout aussi charmante.

Ce Kewell était donc si vieux, l'âge que l'on lui donnait à Saransk était donc vrai… Asch ne savait que des choses mineures à son sujet, mais son statut de vampire restait assez trouble. Certains parlaient du fait qu'il avait eu une liaison avec Kallen Tatlina l'ex fiancé du premier prince, enfin des rumeurs rien de plus. Impossible à vérifier.

- Ne vous inquiétez pas, répondit Asch ironiquement, grâce à Lux j'ai pu voir aussi les restes de Kapen… enfin les ruines du palais.

- Je dois dire que c'est bien dommage, j'y travaillais dans ce palais… Il était magnifique, murmura le patriarche dans un souffle avant de reprendre gaiment, Tu as donc pu rencontrer ma fille Elizabeth, je pensais qu'elle t'avais juste aidé en coup de vent.

- Nous avons eu le temps de parler un peu tout de même…

- Elle est spéciale, n'est-ce pas…? Elle n'a pas eu une enfance facile, crois moi… Quand je l'ai adopté, il lui a fallut un certain temps pour s'adapter au gens. Elle avait peur de tous les humains qui s'approchait d'elle sauf de moi qui était un vampire… Bref, je parle je parle et je m'éloigne du sujet principal.

Intéressant, vraiment. Asch avait donc raison, il l'avait adopté, d'où le pourquoi de l'humanité de sa prétendue fille. Mais que pouvait-il bien lui être arrivé de si grave… Il est vraie que l'on ressentait une fêlure en elle, différente de celle du patriarche, mais tout de même présente.
Soma continua sur les fonctionnalités de la guilde tandis que Asch l'écoutait d'une oreille distraire, songeur.

Soma continuait tranquillement son long monologue devant Asch, lorsque la secrétaire du patriarche entra sans même frapper, l'air complètement affolée.

- Rina!, se plaignit le vampire, combien de fois vais-je devoir te dire de t'annoncer avant d'entrer dans mon bureau, imagines que je sois dans une position peu lumanévrienne avec une de tes collègues?

Cette dernière remarque amusa beaucoup Asch qui d'habitude était pourtant très glacial. En réalité c'était surement le fait de voir un homme de sa trempe se permettre des plaisanteries de ce genre, lui qui commandait à tous les voleurs… Quelle ironie… Voilà un vampire vraiment très atypique.

La secrétaire ne riait toujours pas, elle continua sur un air grave, s'inclinant devant Soma. Le patriarche comprit alors que quelque chose de grave s'était passé.

- Parle Rina, Parle!! hurla-t-il envahi par la panique.

- Patriarche… annonça la secrétaire, c'est votre fille… Elle a… Elle a eu une sorte d'accident… Elle s'est battue et elle est dans un état critique, elle…

Soma ne lui laissa pas le temps de terminer sa phrase et se rua vers la porte à la vitesse de l'éclair suivit de très près par Asch, soucieux de savoir ce qui étais arrivé à l'humaine qui l'avait sauvé.