Noramros était finalement arrivé à Zabeltitz. C’était un petit village situé aux abords du Dnieprotoisk et desservie par la ligne de chemin de fer qui reliait Cazialstava à Caboyor. Mais malgré tout, ce village était resté simple et peu développé. Surtout peuplé de maraichers et de quelques commerçants qui s’occupaient de ravitailler la population locale.
Le vieux savant connaissait quelques personnes dans ce coin tranquille du pays. Notamment un vieil ami qui faisait partie du réseau et qui avait une dette envers lui. Noramros c’était rappelé qu’il avait pris une pseudo-retraite dans ce coin reculé en achetant une petite auberge. Il se rendit donc directement dans son établissement.
Le petit soleil. Ca doit être là, pensait Noramros en poussant la porte. C’était un petit établissement bruyant qui rassemblait toute la variété que Zabeltitz recelait. Du simple maraicher au marchant en passant par le pêcheur à la ligne. Les odeurs de la cuisine du terroir emplissaient les narines du savant lorsque le tenancier s’adressa à lui :
- Bienvenue chez nous voyageur, je peux vous servir quelque chose ?
- J’ai tant vieilli que tu ne me reconnais même plus Fedor.
Le tavernier ouvrit de grands yeux ébahis en comprenant de qui il s’agissait. Il s’écria alors dans un grand fou rire :
- Nan, c’est pas possible, pas toi !! Pas en dehors de ton manoir.
- Et si Fedor, c’est bien moi.
Puis soudainement, le ton changea du tout au tout. La bonne humeur des retrouvailles laissa bien vite place à la suspicion et l’inquiétude. Les éclats de rire se transformèrent en chuchotements. Les deux hommes se rapprochèrent l’un de l’autre, de leur côté du bar tout en scrutant les autres clients. Noramros murmura alors :
- J’ai des problèmes, on peut parler dans un coin discret ?
- Oui bien sûr, mais tu me fais peur là. Suis-moi.
Les deux amis se rendirent dans l’arrière cuisine, qui était une petite pièce sombre un peu à l’écart de l’agitation de l’établissement, mais aussi et surtout, vide à cette heure-ci. Chacun prit une chaise et l’on s’assit autour d’un bon verre. Un silence tourmenté c’était installé jusqu’à ce que Fedor décide de se lancer à l’eau :
- Alors comme ça t’as des emmerde ? Que t’arrive-t-il au juste ?
- La CN a braqué mon manoir. Ils ont enfoncé les grilles et sont entrés. J’étais avec le fiancé de Kyra, je suis parti sans savoir si ils ont réussis à rentrer dans la bâtisse ou pas.
Noramros avait parlé d’un air grave. Il n’en revenait toujours pas et regrettait de s’être envolé en abandonnant ainsi Andreï. Mais il était maintenant trop tard. Rapidement l’anxiété laissa place à la fureur. Fedor prit la parole avant que le savant eut pu éclater de colère :
- Ha merde ! Et pourquoi ils ont fait ça ?
- Je ne sais même pas ce qu’est la CN !
- Mais tu as vécu dans une grotte pendant les deux dernières années ou quoi ?
- En quelque sorte
- Ha oui c’est vrai. J’oubliais. La CN est une grosse entreprise maintenant, il faut dire qu’elle a aussi pas mal d’actif dans le coin.
Soudainement le regarde de Noramros s’éclaira de cette étincelle de malice si caractéristique des savants fous. A la différence près que cette fois si, on aurait plus dit de la fureur qu’autre chose. Son camard qui le connaissait depuis leur tendre enfance ne l’avais jamais vu comme ca, et commençait même à sentir un frisson parcourir son dos alors que son sang quant à lui se glaçait. Il reprit le cours de la conversation sans jamais laisser tomber cette expression sur son visage. Et même sa voix transpirait le pernicieux.
- Tu disais qu’ils ont des intérêts dans le secteur ?
- Oui : de l’agriculture, des résidences personnelles, des hôpitaux, et autre.
- Bien, bien. Et le réseau est toujours actif dans le coin ?
- Assez oui, hésitait Fedor avant de reprendre, mais tu commences à me faire peur là.
- Tu as raison d’avoir peur…
La conversation se poursuivie longtemps dans la nuit.