Redécoration au programme

Adoster et Kyra étaient toujours dans le bureau du responsable du réseau, assis dans un vieux fauteuil, un tas de dossiers posé sur une table basse, en train de bavarder à propos des nouveaux chemins que devait empreinte l’action. Une odeur âcre propre à l’humidité des caves qui composaient le réseau souterrain envahissait les narines des Aslanov. L’ambiance était des plus sérieuse, devenait même parfois presque stricte.

- La voie politique semble se rouvrir. Avec le projet de constitution, le peuple sera beaucoup plus sollicité à l’avenir.

Le chef de la cellule était un notable connu pour son sens de la rhétorique et influant en politique. Il pensait que c’était le meilleur moyen de faire changer les choses. Pour lui le réseau devait se créer une alliance politique d’hommes capables de faire changer les choses de l’intérieur, en faisant partie d’un gouvernement. Mais la fratrie Aslanov n’était pas vraiment de cet avis et en l’absence de vie politique comme ce fut le cas avec Rayan, c’était impossible.

- Tout dépend de la réouverture ou non du parlement. Et puis la politique … Kyra esquissa un petit sourire ironique avant d’étouffer un rire narquois … on a bien vu ce que ça a donnée avec Rayan : beaucoup de promesses pour pas grand-chose. A mon avis, c’est juste une stratégie politique pour endormir la population. Le pays reste toujours une oligarchie dirigée par les mêmes : l’armée et le clergé, soumis aux intérêts des bourgeois.

Un bruit lourd se fit entendre de l’autre côté de la porte qui séparait la pièce du reste des locaux du réseau. Instinctivement, les trois comparses se levèrent et tout en se tenant sur leurs gardes, ils s’approchèrent doucement de l’entrée, ne faisant plus aucun bruit, retenant même leur respiration. Mais ils eurent à peine le temps de faire quelques pas qu’un homme surgit de derrière la porte, essoufflé, un message à la main :

- C’est affreux !! D’après nos hommes sur place, Lurenberge a été saccagée par les vampires qui ont massacré la population !! Le Haut-Liturge est même porté disparu !!

Les trois camarades se regardaient sans dire un mot. Ils étaient tellement abasourdis par la nouvelle qu’ils ne savaient quoi penser. Mais ils eurent à peine le temps de reprendre leurs esprits que le porteur de mauvaises nouvelles lui, avait pu reprendre assez de souffle pour achever sa besogne.

- Ils sont ensuite allés vers Treffelburg qui est maintenant encerclée et en mauvaise posture. La forteresse va tomber entre les griffes des vampires, c’est sûr, ce n’est plus qu’une question de temps !

Le messager sortit de lui-même, sans attendre l’ordre. Le temps que tout le monde se remette de la surprise de ces nouvelles, Adoster ne put s’empêcher une petite remarque :

- Schultz se dit généralissime, mais il a eu son titre dans une pochette surprise c’est pas possible !

Le chef de la cellule quant à lui, vit tout de suite le profit qu’il pourrait tirer de cet événement. Il parla immédiatement très sérieusement, ignorant la remarque d’Adoster, ce qui le vexa au plus haut point :

- C’est l’occasion qu’on attendait. Il faut absolument en profiter pour lancer une action. Schultz laisse les vampires s’emparer de la cité sacré alors qu’il avait déjà laïcisé le pays. Ça c’est un premier point. On peut même appuyer là où ça fait mal et dire qu’il a encouragé les vampires à faire cet assaut. Ensuite, les vampires arrivent à prendre la plus grosse forteresse du pays, c’est pas rien, Treffelburg tout de même. Là on peut profiter de notre première extrapolation et dire que c’est la stratégie de Schultz qui a foiré et qu’il a perdu le contrôle des vampires qui se sont sentis pousser des ailes !

Adoster commençait à comprendre où il voulait en venir. Il rajouta alors sa pierre à l’édifice :

- Pas mal ! Pas mal du tout. Et en plus pendant ce temps-là, le gouvernement n’est toujours pas opérationnel, Schultz accorde des privilèges complètement abusés à la CN. Il y a quelque chose à faire. Il fait mettre une action coup de poing sur pied.

Soudainement, il eut comme un flash, une idée naquit dans son esprit : il avait un plan et comptait bien le mettre sur pied, voire même le mener à bien lui-même. Il s’écria sur le coup :

- J’ai une idée !

Kyra le coupa aussi sec :

- Tien donc, tu réfléchies toi parfois ? Voyons voir quel plan foireux tu as encore mis au point pour te mettre en valeur ?

Elle n’avait pas tout à fait faux, il faisait aussi ça pour se faire passer pour un héros. Mais il ajouta tout de même d’un ton espiègle :

- On pourrait redécorer les murs de la ville si vous voyez ce que je veux dire…

- Trop dangereux. Répondit aussi sec le chef.

Adoster se sentit vexé, atteint dans son orgueil, mais il n’allait pas laisser tomber aussi facilement, il devait défendre son projet :

- Pas tant que ça. Entre la dissolution de l’AAV, les différents redéploiements des armées, la capitale a vu son nombre de protecteurs considérablement diminuer. Et puis Kyra pourrait assurer une couverture depuis les aires.

Adoster tenait à son plan. Pour lui, il tenait la route et était prévu dans un danger maîtrisé. Et surtout, il valait vraiment le coup. Cependant, Kyra trouvait ça plutôt futile et au contraire, à double tranchant.

- Oui mais si ils se pointent, je ne peux pas faire grand-chose. Tirer attirerait du monde. Et puis il faut une équipe et des décorateurs.

Mais son petit frère tenait de plus en plus à son idée :

- Il y a plein d’équipes de décorateurs qui planchaient déjà sur des affiches, il suffirait de rajouter celle-là au programme, elles seront prêtes avant demain soir, on pourra alors les déployer dans toute la ville.

- Bien, ça me va, dit le chef, mettez tous les décorateurs sur le coup d’affiches de circonstances mais garder la suite du projet pour vous deux.

Kyra et Adoster allaient se lever pour mettre au point les préparatifs de cette opération, mais un autre messager entra de force dans la salle :

- La police a investi les faubourgs de la capitale !! Ils mènent un vaste coup de filet et embarquent tous ceux qui leurs opposent de la résistance.

Adoster et le chef se tournaient alors l’un vers l’autre pour s’adresser un regard espiègle, encore un événement dont il faut tirer parti semblaient-ils se dire…