Prise de décisions (2)

Après avoir corrigé ses dires sur la manière de traiter la CN et les Novronev, le Commandeur-Président fit appeler son conseiller :

- J'ai appris des commissariats centraux et de la radio que Rayan serait de retour, mobilise les services secrets pour mener une enquête.
A mon avis c'est un plaisantin, un plaisantin qui joue beaucoup trop bien son jeu et qui dispose de ressources conséquents. Cherchez donc dans le milieu de la bourgeoisie tout potentiels indices.

Pour ce qui est des tracts et de la propagande, j'ai une contre-attaque à appliquer et qui devrait montrer son efficacité.
J'entends par là que plusieurs autres annonces de deux ou trois autres prétendus "Rayan" doivent être proclamés de manière tout aussi pertinente et par les mêmes procédures, histoire de rendre la chose ridicule et pas prise au sérieux par l'opinion.
L'administration devra aussitôt prendre contact avec la population et faire assimiler l'idée que de nombreux opportunistes souhaitent prendre le pouvoir après constation des effets que pourrait avoir le retour au pouvoir de Rayan et les remises en cause apparentées.

Si Rayan n'est pas mort, chose que je ne pense absolument pas, (mais on ne sait jamais, mieux vaut prévenir que guérir) il essayera certainement de se présenter au public en se montrant à découvert, les soldats mobilisés pour la loi martiale devront alors agir.

Le conseiller était un petit homme tout recroquevillé sur lui-même au long nez aquilin. Sa physionomie laissait transpirer la malignité et ses expressions la servilité. Tout ca n’annonçait rien de bien bon pour les personnes dont on allait parler ici.

- Bien monsieur, les services secrets seront sur le coup dès que possible, mais ne pensez-vous pas qu’il puisse également s’agir de l’empereur qui, désireux de diviser les démocrates y trouverait sont compte ?

Il relisait les notes qu’il avait collectées sur les derniers événements ainsi que sur les dernières paroles du Président-Commandeur, avant de reprendre :

- En ce qui concerne les appelles audio de ce Rayan, pourquoi ne pas prendre les devants et envoyer des quidams frapper à la porte des habitants en se présentant comme l’ancien Président ? Il n’en sera que plus ridicule. Pour les contacts avec la population, pourquoi ne pas profiter des radios officielles et des journaux sur lesquels vous avez le monopole ?

Réagissant aussitôt à la remarque au sujet de l'Empereur :

- L'Empereur ?... Impossible, je mène des tractations avec lui. Et puis en plus il n'aurait aucun intérêt à ressurgir Rayan pour... diviser les républicains?... c'est insensé quand on sait qu'il pourrait faire mieux et que ce message était un message de propagande convaincu qui ne semblait pas mettre implicitement en évidence les inconvénients de la République. Non je ne pense pas.

Continuant en répondant aux suggestions émises :

- Envoyer des quidams ? C'est un peu pousser loin quand même... le risque de découverte serait élevé et les gens ne comprendraient pas cette mascarade, surtout quand on sait qu'un militaire veille à deux pas de leur domicile.
Pour les radios et les journaux officiels, c'est justement ce qui est à déconseiller car l'opinion serait surprise par des proclamations au sein de la radio publique alors que la première était pirate.

Contentez vous d'appliquer les mêmes procédures que le plaisantin, les mêmes techniques, sauf que vous prendrez soin de préciser pour chaque Rayan, qu'il dénonce le précédent et qu'il est le vrai des Rayan. Cela prendra une telle tournure que la confusion sera générale.

J'attends de vous que vous m'informiez en temps réel de l'évolution de la situation.

Suite a la nouvelle donne républicaine et a cette nouvelle ère qui s’annonçait, a toutes ses équipes il ordonna ;

''- Envoyez des troupes aux frontières de la Toldanie et annoncez la vengeance de la République contre le bombardement de Kapen. Ne procédez pas a des attaques, faites peur au Roi Toldene et proposez lui la négociation d'un traité de paix sans quoi les offensives adviendront.
Coordonnez la création du Service de l'Information publique sous la tutelle de la Présidence et des services secrets, ce service se chargera de nourrir une propagande nuit et jour qui glorifiera la nouvelle ère, la nouvelle union et le nouveau régime. Faites en sorte que moi, le Chancelier fédéral et la Haute-Liturgie soyions présentés comme les fondateur de la nouvelle paix sociale.
Maintenant que l’unité sacrée est garantie, je souhaite que vous mettiez un terme a la loi martiale en annonçant la fin de celle ci aux médias. Il faudra par ailleurs organiser le plus vite possible le plébiscite sur la nouvelle Loi Constituante, organiser des purges aux milieux bourgeois en saisissant les biens de toute nature des propriétaires défavorables au nouveau régime et envoyez des agents spéciaux pour espionner les discussions de l'Hotel du Renard Masqué.

Postez des cadres sur les murs des bureaux de l'administration d'une photo me représentant. Organisez des ''manifestations positives'' qui louent et glorifient le nouveau régime en vous appuyant sur les adhérents du parti et organisez des débats fantoches a la télévision de deux personnes qui militeront pour la politique que je mène. Toute opposition doit être qualifiée d'atteinte a la sûreté de l'Etat et les arrestations doivent être discrètes. Les forces de sûreté doivent être dures et adeptes des bavures.

Bien entendu, toutes ces directives s'appliqueront après le vote du Plébiscite j'entends.''

En effet, c’était bel et bien un nouveau règne qui débutait, un règne qui s’appuierait sur la légitimité du second plébiscite.

Tous les conseillers et chefs des sections délégués aux affaires présidentielles étaient présents. Il y avait aussi les moines légiférant associés à ses activités.
Lorsque le Président commençait à parler, là plus part de ses secrétaires prirent en notes ce qui les concernait. Mais quelque chose clochait, et lorsque Schultz eu fini de donner ses ordres, un silence gênant prit place, jusqu’à ce qu’un moine osa le briser. Il se racla d’abord la gorge avant de déclarer avec le plus grand respect et la plus extrême prudence :

- Sauf votre respect Monsieur le Président, j’ai bien peur que certaines de ses décisions ne puissent être appliqués sans l’accord du Parlement et voire même celui du Chancelier.

Un autre des moines, qui était connu pour son manque de probité s’empressa alors d’enchainer avec des conseils, pas vraiment légaux.

- En ce qui concerne la fin de la loi martiale, il n’y a aucun problème. Pour les cadres, vous pouvez toujours les envoyer en cadeaux dans toutes les administrations. Vous leur laissez alors le choix de l’exposez ou pas, mais comme c’est vous qui nommez aux principales dignités… Chacun c’est ce que veut dire « je vous conseille » dans la bouche d’un administrateur. Pour vos services secrets, il faudrait plutôt voir avec le chef des renseignements militaires.

Toutes les personnes présentes, et en particulier les moines légiférant jetèrent un regard noir à celui qui venait de parler. Le clerc sortait clairement de ses fonctions, et il n’était pas des plus honnêtes dans ses propos. Aussi un autre moine coupa cour à cette discussion en reprenant la parole :

- Pour ce qui est de la propagande, il faudrait nommer un secrétaire d’état délégué à ce domaine. Pour les autres décisions, nous dirons qu’elles relèvent de notre paranoïa et que nous n’aurions rien entendu.

Toutes les personnes présentes sortirent alors, à une exception près : le moine qui avait déjà failli à sa tâche. Il reprit alors sur ca lancée :

- Pour la Toldanie, dans un premier temps, vous devriez renforcer les troupes sur le front. Et invoquer une situation de légitime défense. Ainsi les hostilités seront déjà engagées lorsque le Parlement sera questionné sur la question. Pour le reste, passez par des voies tout aussi … détournées.

- Il y a une chose que, tôt ou tard vous devrez assimiler, le fait qu'il n'y a qu'un unique chef ici. Et que c'est uniquement moi.
Pour les cadres, ils seront affiches dans les administrations sans qu'on demande l'avis d'un administrateur.
Annoncez a Garviel Novronev sa nomination de Gestionnaire national de l'Information. Il dispose des radios et des journaux nationaux ainsi que de tout une équipe chargée d'appliquer ses décisions.
Le siège du mouvement de propagande se trouvera au Palais Gouvernemental, dans un de ces nombreux bureaux vides...

En ce qui concerne le renseignement, je n'ai pas besoin de contacter le chef du renseignement militaire, il est bien la ou il est, aux frontières toldenes...
J'ai, il me semble, exécuté la création du Service Fédéral du Renseignement dont les dispositions signalent une fusion entre l'ancienne AAV.

Il alluma une cigarette.

- En ce qui concerne les récents prisonniers, je souhaite qu'on leur soutire le maximum d'informations sous tortures et autres méthodes puis qu'on les fusille le lendemain a l'aube. Ceci ne s'applique pas pour Rayan qui ne devra absolument pas être reconnu.
En ce qui concerne la conjoncture et le budget étatique, appliquez les prélèvements obligatoires fixés par le décret sur les recettes fiscales.
Renforcez les effectifs sur le front du Volkona et de Toldanie. Ne procédez pas a des attaques.

Pour ce qui est de la diplomatie, envoyez immédiatement un émissaire en Russlavie, je souhaite nouer des alliances avec eux.
Il faut discuter d'accords militaires avec eux.

Le Président ordonna à son conseiller de se joindre avec lui dans une salle discrète et où de nombreux documents concernant l'État y étaient disposés en ordre.

- Monsieur, qu'en est-il de mes ordres sur les services secrets, la fiscalité et les prisonniers rebelles ?
Je souhaite par ailleurs que vous m'expliquiez comment des vampires ont pu pénétrer si facilement dans le pays alors que je pensais que nous dispositions de frontières et que j'avais demandé le déploiement de troupes au Volkona le mois de novembre !

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Le conseiller était blanc comme un linge. Il craignait pour sa peau. Il faut dire que le Président avait l’air de mauvaise humeur, et que vue les questions qu’il venait de lui poser, il devait se faire annonceur de mauvaises nouvelles. Il décida de commencer par les affaires du Volkona, c’était celle qu’il risquait le plus de mal prendre, et il savait qu’il fallait toujours commencer par le pire et finir par le meilleur. Il dit en hésitant, sans jamais regarder directement Schultz dans les yeux.

- Et bien. En ce qui concerne le Volkona. Vous avez promulgué par décret, un contrordre.

Il fouilla maladroitement dans son attaché-case pour en sortir le décret en question. Et tout en tendant la main vers le Président il lui dit :

- Regardez, article 3 : Les militaires déployés regagnent leurs casernes, les réservistes leurs foyers. Et puis, jusqu’à ce que vous la transformiez en service de bureau, c’était l’AAV qui gérait l’intégralité de la question vampire. Y compris les frontières avec le Volkonna. Qui plus est, le QG de l’AAV se trouvait à Lurenberg et il n’a pas été réoccupé par un autre service, donc la route était ouverte.

Il marqua une pause, raidissant tous les muscles de son corps, et particulièrement ceux de son visage, comme un gamin qui se prépare à l’impact de la baffe qu’il sait proche. Mais comme rien ne se passait, il continua :

- Pour les services secrets, nous manquons de moyen, mais la capitale est déjà surveillée de près, tout comme les grandes villes. Pour les autres villes, il n’y a pas assez d’hommes pour tout surveiller, mais les grands mouvements seront repérés dans tout le pays.

Il relut rapidement ses notes qui provenaient de tous les coins du pays. Il y avait de tout. Du dernier milicien promus, au nombre de balles dans l’arsenal de la caserne de Lieningen, en passant par les derniers rapports sur l’emploi et les relations entre employeurs et employés. Le conseiller continuait alors :

- La nouvelle monnaie est assez mal acceptée. Le Sieger et l'Helzon représentaient la stabilité puisqu’ils étaient en vigueur depuis les tous débuts de l’empire. Si bien que les classes populaires et les villes reculées continuent de commercer avec les anciennes monnaies. Les employeurs en profitent d’ailleurs pour payer leurs employés qui ne sont pas capables de faire la conversion, en dessous du minimum légal.

Les classes populaires rechignent à payer la taxe d’habitation alors qu’elles vivent dans une boite de carton placé sous une taule froissée. Cet impôt foncier est perçu comme une atteinte à la propriété privée par les bourgeois qui sont habitués à rendre à l’état une partie des bénéfices qu’ils engendrent, par ce qu’ils apportent sur les marchés et non à payer pour ce qu’ils possèdent. Ils sont aussi chagrinés de devoir payer la même taxe que les pauvres.
Mais depuis cette réforme, les caisses de l’état se sont stabilisées.

Quant aux prisonniers, ils ont dénoncé un grand nombre de leurs compagnons, ainsi que certaines cachettes, mais elles se trouvent à Kapen, donc difficilement accessible puisque les gens du coin ne supportent pas la vue d’un uniforme. Les saisies de matériels sont impressionnantes, ils devaient avoir un spécialiste comme fournisseurs, surement une industrie militaire, mais il sera difficile de dire là quelle sans avoir l’autorisation de prospecter chez les suspects potentiels.

Ils n’ont pas non plus donné le nom de leur chef, il semble qu’ils ne le connaissent tout simplement pas, mais tout laisse à croire que s’il n’en faisait pas partie, il était au moins proche de milieux religieux.

L'écoute du rapport de son conseiller était déjà désagréable. Il fallait ajouter à cela la radio posée sur le gigantesque bureau présidentiel qui laissait les frasques de révolte du clergé à l'écoute de tous les auditeurs.
Après s'être mordu la lèvre de rage et un long moment de silence passé, le Maréchal soupira du nez puis se tourna vers la grande fenêtre de son bureau, de sorte qu'il soit de dos au conseiller...

- Écoutez moi bien. Sachez bien une chose, mes décrets ne valent que lorsque je ne dicte aucun autre ordre officieux. Me suis-je bien fait comprendre sombre abruti ?

Il fit un demi-tour de la tête pour observer du bout de l'œil le conseiller, puis continua :

- Faîtes savoir aux Liturges et aux chapitres par le moyen que vous voudrez utiliser, que je ne fais que bénéficier d'un intérim, celui du Haut-Liturge et qu'ils restent libres de faire ce qu'ils souhaitent, mais que moi je garantis l'union des chapitres.
Faîtes aussi savoir à ces chiens galeux que je n'ai d'autre ambition que de protéger leur petite personne ingrate à Lagen pour éviter un autre désastre, et qu'avec eux, je souhaite discuter de la politique du pays, pour que l'Église soit plus influente que jamais.
Mettez bien dans leurs crânes d'œufs pourris que le spectre de Rayan est définitivement éteint et qu'il y a plus de bienfaits pour eux qu'une alliance avec l'exécutif se produise.
Fournissez leur du transport pour qu'ils se rendent immédiatement à Lagen et j'espère que vous leur transmettrez mon message intelligemment en retenant ce qu'il est bon de retenir sans quoi vous ne retiendrez pas votre poste très longtemps.

Il respira profondément puis se calmait...

- Faîtes appeler Franz-Heinrich et dîtes lui que notre bonne vieille République s'apprête à devenir l'Empire de Siegburg-Helzonie.

Il n'ajouta rien à cela, il eut juste un regard noir et des yeux fatigués.