Il était très tard cette nuit là, environ deux heures du matin, lorsque pour sa première nuit au sein de la Commandature et en dehors du Manoir Schultz, Karl fut réveillé en sursaut d'un sommeil paisible constitué de joyeux rêves.
- Commandeur ! Commandeur !
Karl était surpris au plus haut point, qu'y avait-il d'aussi urgent ? Un coup d'État ? Un assaut de l'ennemi vers Treffelburg? Attachant la ceinture de son peignoir, le Commandeur d'une mine troublée et en mauvais état se dirigea vers la grande porte de sa chambre parallèle à la véranda-balcon.
- Que se passe t-il Heinrich ? demanda t-il à l'alarmiste.
- C'est qu'il y a une information de la plus haute importance qui nous est parvenue ! Le colonel Kudroski, votre fidèle ami est ici présent et souhaiterait s'adresser à vous d'urgence !
- Kudroski ? Il est ici ?... Très bien, préparez un un café dans l'antichambre, le colonel y sera reçu par moi-même le temps que je puisse enfiler quelque chose de plus décent. Rompez. déclara le généralissime.
A ces mots le Commandeur regagna sa chambre puis se dirigea vers son armoire pour enfiler une tenue légère. Il fallait recevoir vite car il devrait retrouver le sommeil pour ne pas être en mauvaise forme la matinée...
Karl Schultz marcha lentement vers l'antichambre, le bruit et la résonance de sa canne faisant plus d'effets que ses pas.
Entrant dans l'Antichambre, il découvrit les domestiques des bâtiments civils en train de servir le colonel dans un état plus que répugnant, c'est qu'il fallait voir leur tête...
- Eh bien mon colonel, qu'as-tu de si important à me dire pour m'ôter la joie d'un splendide sommeil ? interrogea le Commandeur.
- Permettez-moi tout d'abord de vous féliciter Commandeur, je suis très fier pour vous, il était plus que temps de vous récompenser. Mais voilà, à peine vous accédez à la suprématie militaire qu'il vous faut prendre des initiatives et faire face à la menace pesante de l'ennemi...
Il dégusta quelques gouttes du café puis reprit :
- Revenons au vif du sujet, je vais être franc, mon but n'était pas de vous réveiller pour rien en sursaut même si l'excuse pourra vous sembler stupide.
En vérité la route ferroviaire aura été longue pour gagner cette ville de forteresses à tout bout de champs. Mon retard est dû à cela.
Si je suis ici Commandeur Schultz, c'est parce que comme vous le savez, je vous dois beaucoup et que j'ai beaucoup d'estime pour vous, je mourrai pour vous.
Le fait est qu'il y a des ennemis autant à l'extérieur qu'à l'intérieur car bien que vous jouissiez du soutien inconditionnel du président, vous demeurez le jaloux des politiciens véreux de Kapen-Lagen et des vétérans à grosses insignes sans compter des hordes vampiriques à Saransk et des nobles déchus qui revendiqueront bientôt mille et un attentat pour déchoir la République c'est pourquoi je vous mets en garde dès aujourd'hui et même si la proportion pourrait sembler exagérée, je vous conjure qu'il s'agit là de problèmes urgents qu'il vous faut esquiver et traiter avec prudence car Treffelburg pourrait vous sembler comme une prison dorée et sécurisée mais n'oubliez pas que beaucoup aimeraient voir votre tête sur une pique tout comme celle du président. Il vous faut être ferme, réprimander la résistance et prouver votre attachement à l'ordre et à la victoire.
Votre grand inconvénient restant le fait que vous n'ayez pas sous votre tutelle des services de renseignement efficaces puisque seul le président en jouit et Dieu seul sait s'il jugera utile de partager les nouvelles avec vous. On ne sait jamais. J'ai terminé.
Le Commandeur esquissa un sourire avant d'allumer sa pipe, bien que contrarié par l'heure tardive des annonces du colonel, il demeura satisfait de la confiance qu'il pouvait accordé à son filleul qui semblait lui porter une grande attention.
- Merci, je comprends ce que vous dîtes et c'est tout naturel.
Sans plus tarder, il orienta la conversation vers un autre sujet.
- J'ai décidé, Vlad, de te désigner à la tête du front de Saransk pour la lutte contre les armées vampiriques tout comme j'ai décidé de désigner Wagner, mon demi-frère, à la tête des garnisons de Petravast, ce sont des choix stratégiques qui me tiennent à cœur, surtout pour le second car ils représentent tout à mes yeux et c'est d'autant plus une manière d'assurer la sûreté de l'État, mais je ne t'en dirais pas plus. La décision sera signée demain. Bon je vais aller me coucher, bonne nuit et bonne installation à Treffelburg colonel Kudroski.
Vlad était sans voix, il avait du mal à saisir l'importance de la nouvelle, il était tout de même muté aux frontières avec la principauté ! Ce conflit qui représentait pour lui une opportunité de venger sa sœur semblait s'ouvrir à lui, il pourrait maintenant appliquer sa vengeance de ses propres mains.
Quant au Commandeur, il retourna vers sa chambre en réfléchissant longuement sur l'avenir et les dispositions nécessaires qu'il prendrait. Ruse, fourberie et stratégie devenait les maîtres-mots de son vocabulaire tant il se savait en danger à tout moment.