Le pouvoir de l'Amiral...

Le capitaine Tolstoï était un homme qui n’était pas vraiment un soldat du rang. Il n’avait pas fait ses classes, ni jamais assisté à aucun combat. Il s’agissait d’un administrateur qui avait gravi la hiérarchie militaire à force de flatterie et d’intrigue discréditant ses concurrents. C’était un homme maligne s’il en est, mais aussi, et peut-être surtout consciencieux et dévoué.

Il entra dans le bureau de l’Amiral comme tous les matins à 9h35 précise. Par les grandes portes que les gardes du palais, en uniforme d’apparat lui avaient ouvertes. Le bureau ressemblait à une salle d’état-major. Plusieurs tables en bois finement sculpté étaient positionnées de façon à ce que l’Amiral en Chef, assit derrière son bureau puisse toutes les distinguer. Sur certaines d’entre elles, étaient disposées des cartes marines des côtes de S-H, et aussi de la Mer de Nôddia.

Tolstoï salua Adolf avant de lui donner un compte-rendu qui résumait le rapport qu’il allait faire. Puis il s’assit à la table la plus proche du Navarque, déposa ses lourds dossiers devant lui, par ordre d’apparition dans son rapport, se racla la gorge et commença enfin son explication en disant d’un ton très avenant :

- Je sais que vous vous passionnez pour la chose économique, aussi je commencerais par là. Les industries ont souffert d’un ralentissement de l’activité à la suite des grèves des mineurs du sud, et du soulèvement de Mielenheim. La fermeture des échanges avec la Toldanie a aussi porté un coup aux armateurs, entrainant une baisse dans les bons de commande des chantiers navals. Le changement de monnaie a ralenti les échanges vers l’étranger, mais l’activité devrait reprendre maintenant petit à petit, grâce à vous.
Aucune usine ni aucun chantier ne devrait mettre la clef sous la porte ce mois-ci. Par contre, certains petits marchands risquent de rencontrer des difficultés. Par manque de travail, beaucoup d’usines ont aussi dû renvoyés une partie de leurs ouvriers.

Le capitaine tendit un dossier au commandant suprême de la flotte. Il contenait notamment un diagramme qui montrait bien que le taux d’inaction avait bondit lorsque les stocks de matières premières furent épuisées. Les revenus que l’Amirauté percevait par taxe douanière lors des échanges avec l’étranger étaient quant à eux, en net baisse par rapport au mois précédents. Tout comme la production de navires marchand.
Puis Tolstoï ouvrit le second dossier, et tout en le parcourant rapidement des yeux, enchaîna sur la criminalité :

- La criminalité a connu plusieurs pics ces derniers temps. Tout d’abord, lors du changement de monnaie, les gangs reconnus pour faire dans la fausse monnaie ont voulus écouler leurs stocks avant qu’il ne soit trop tard, entrainant, entre autre, un regain de violence, qui a touché en premier lieu les faubourgs, mais c’est ensuite étendu jusque dans le centre-ville. Et bien sûr un accroissement de la fausse monnaie injectée dans le circuit financier.
Un autre pic de violence correspond à la période de morte-saison. Il se localise principalement et presque exclusivement dans les faubourgs de la ville. Il est à mettre en corrélation avec une hausse de la fréquentation des bars et un accroissement constaté des cas d’ivresse publique recensés par la milice.

Le capitaine referma le deuxième dossier et le remis à l’Amiral. Une fois de plus, les courbes confirmaient ses dires. Mais en dehors de ça, tous les autres domaines restaient stables. Rien ne laissait présager de grandes opérations de la part de gangs, ni de débordement. Tolstoï s’empara alors du troisième dossier et procéda de même qu’avec les deux autres :

- Quant à l’opinion que les habitants ont de vous, il est très difficile d’en juger. Les bourgeois, même interrogés subtilement disent du bien de vous. Ils vous trouvent plus jeune, plus actif que l’ancien amiral qu’il était grand temps de mettre à la retraite. Dans l’armée, on attend avec impatience de pouvoir tester vos capacités, mais d’après certaines oreilles indiscrètes et par conséquent peu fiables, on s’étonne qu’il n’y ait pas eu d’enquête sur la mort de votre prédécesseur…
Le bas peuple continue de se plaindre, ça ne change pas. Il faut dire qu’il continue de s’entasser dans un immense faubourg insalubre. Les conditions de vie semblent y être misérables d’après les rares personnes qui ont osé s’y aventurer.

Le capitaine avait fini son exposé. Il tendit les derniers dossiers à l’Amiral et finit par lui rendre son compte-rendu détailler. Il attendait à présent les éventuelles questions de son supérieur en se saisissant de ses propres dossiers.